Voici donc le second aspect de l'être-comme-Jésus, que j'annonçais à propos du Dit précécent.
L'allusion à Béelzéboul s'éclaire par la scène où l'on voit Jésus accusé de connivence avec ce « prince des démons » (voir n° 126). Mais Jean donne du thème une expression beaucoup plus générale : « Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï le premier... S'ils m'ont pourchassé, ils vous pourchasseront » (Jn 15,18-20) .
A travers les siècles, ceux qui ont vécu, en tant que disciples de Jésus, des persécutions et des combats ont été constamment soutenus par la conviction qu'ils reproduisaient la destinée de leur maître.
Les uns, comme déjà Paul, ont pensé qu'ils faisaient plus que lui ressembler, qu'ils le continuaient, voire qu'ils le «complétaient » (Col 1,24) - quel que soit le sens à donner à cette expression difficile à serrer intellectuellement, comme tant d'expressions de Paul.
D'autres ont éprouvé que la ressemblance avec Jésus, vécue jusque dans ses souffrances, permettait d'atteindre une union avec lui plus profonde que nulle autre ; la légende (d'une vérité spirituelle plus belle que bien des pages d'histoire) prête ainsi à l'apôtre André une véritable éruption de joie à l'approche de la croix où il allait être conformé au Bien-aimé.
Le verset de Matthieu, relayé par ceux de Jean, est au départ de cette tradition admirable. Mais, pris en lui-même, il n'a pas encore cette valeur enthousiasmante, ou même consolante. Il se situe, plus prosaïquement, dans la ligne de beaucoup d'autres déclarations par lesquelles Jésus a voulu couper court à toute illusion.
« Le Règne de Dieu est arrivé tout près » (n° 4), c'est vrai. Mais les oppositions n'ont pas encore désarmé. A cause d'elles, ce « tout près » ne saurait être atteint qu'en traversant le « mur de haine » (Ep 2,14), et il peut fort bien se produire qu'on y laisse sa réputation, sa tranquillité, sa vie. Il faut donc se munir de courage : N'ayez pas peur!
Nous allons voir, dans les Dits suivants, une série de variations sur ce thème : N'ayez pas peur, dont j'ai déjà signalé (n° 67) qu'il est un des motifs conducteurs de tout l'Evangile.
